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28 juin 2018

Parc La Grange, 2018 – Le mystérieux projet Gorski

Tandis que le parc disparaît sous la neige, un appartement de l’avenue adjacente se remplit de gens et se vide d’objets grâce – peut-être – au mystérieux «projet Gorski»…

Le parc La Grange sous la neige du siècle, 02.1985 © Claude-André Fradel, www.notrehistoire.ch

Le livre_ Aujourd’hui dans le désordre, de Guillaume Rihs, Paris, Kero, 2016
«Janvier à Genève. Louise et ses frères ont inscrit le grand appartement familial sur un site afin d’accueillir des voyageurs pour quelques jours. Leur première invitée est Victoria, une jeune Anglaise en quête d’aventure. L’appartement se remplit au rythme des arrivées alors que dehors le climat se dégrade. Bientôt, une tempête de neige va bloquer tout le monde à l’intérieur, les forçant à s’organiser.» (Site des Editions Kero)
«A ce moment-là, personne ne le sait encore, débute un huis clos qui, de la charmante initiative, va basculer dans l’épreuve, climatique et humaine. (…) Car les choses, ici, occupent beaucoup de place. L’appartement est littéralement envahi par les meubles et les objets. (…) A ce processus d’accumulation, répond son exact contraire, un grand rêve d’allégement et de décroissance que Victoria porte et ne cesse d’expliquer aux autres, au fur et à mesure des arrivées.» («Rire de nous-même, sous deux mètres de neige», par Lisbeth Koutchoumoff, Le Temps, 12.02.2016). => Le journal Le Temps dans l’offre PressReader des BM.
«L’auteur imagine le «projet Gorski», soit un groupe utopiste formé autour de Mihail Gorski, gourou de la décroissance. Son but: débusquer le moment précis où l’homme a fait fausse route et y retourner par un abandon progressif des technologies. Guillaume Rihs porte un regard mi-ironique mi-bienveillant sur ce projet: «J’enseigne l’Histoire, et les changements induits par l’ère industrielle amènent forcément leur lot de réflexion. On entend beaucoup le cliché du «c’était mieux avant», et ça m’amusait d’imaginer un projet cherchant à définir l’instant clé de la dégradation.» («Huis clos à dix-huit dans une coloc aux Eaux-Vives», par Marianne Grosjean, Tribune de Genève, 09.01.2016)
Prix des écrivains genevois 2014, 2e prix ADELF-AMOPA de la première œuvre littéraire francophone 2016.
=> Le livre dans les collections des BM.

L’auteur_ Guillaume Rihs, né le 6 février 1984 à Genève, est un écrivain suisse romand. (…) [I]l travaille comme enseignant d’histoire et d’anglais au collège Sismondi et au collège pour adulte Alice-Rivaz. En 2014, il reçoit le prix des écrivains genevois pour son manuscrit Aujourd’hui dans le désordre. Son roman paraît le 11 janvier 2016 aux Éditions Kero à Paris.» (Wikipédia)

L’extrait choisi_
«La nuit du 19 au 20 janvier 2018 au parc La Grange, qui est longé à l’est par le parc des Eaux-Vives, au nord par le lac Léman, au sud par la route de Frontenex et (c’est en cela qu’il nous intéresse) à l’ouest par l’avenue William-Favre, la neige est compacte comme du beurre et tombe à profusion. Les flocons se rencontrent en vol et se bousculent, s’amalgament et forment des paquets qui accélèrent et qui s’écrasent puissamment, puissamment à l’échelle d’un flocon, contre ceux qui les ont précédés, se tassent avec eux et petit à petit font que d’un mètre, la neige se porte à trois. La nuit du 19 au 20 janvier 2018, il tombe deux mètres en une seule nuit, c’est rare. C’est du jamais vu ! Il n’y a plus une voiture en ville, plus un arrêt de bus, plus un trottoir et plus une route. Il n’y a plus de bouche d’incendie, ni de possibilité d’incendie, seulement cette pâte épaisse qui recouvre tout. Au parc La Grange, on ne distingue plus les tilleuls des chênes. J’entends, ceux qui d’habitude les distinguent, s’ils étaient présents, ne les distingueraient pas, et de toute manière il n’y a personne pour s’y essayer. Personne pour écouter les flocons et l’air vif. Personne pour sentir l’odeur gelée portée par la bise. Le restaurant est fermé, ainsi que la buvette, et je ne parle pas des théâtres. Rien n’ouvrira demain. Demain à l’aube, le parc La Grange ne sera plus. Sous trois mètres de neige, il se sera absenté. Ce qui l’aura remplacé sera d’une très grande beauté, visible depuis le bow-window du salon ou la cuisine au quatrième étage de l’avenue William-Favre, une immensité d’écume de glace.»