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La Grange, un parc qui se mange

Les parcs genevois ont eu autrefois une vocation nourricière, qui se perpétue sous la forme de la cueillette sauvage… Parfois, ce parc se mange. C’était le cas lorsqu’il était un domaine appartenait aux familles Lullin, puis Favre, qui y faisaient planter, grosso modo, tout ce qu’elles mangeaient. C’est à nouveau le cas pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsque, sous le nom de code « plan Wahlen »*, la Confédération lance un programme d’autosuffisance alimentaire qui pousse à faire pousser des comestibles un peu partout. Ainsi, selon ce qu’écrit le Journal de Genève du 18-19 août 1940, « (…) a-t-on planté des tubercules au parc Bertrand, dans la partie supérieure du parc de la Grange et à Beaulieu. 40’000 kilos de pommes de terre ont déjà été récoltés, qui seront destinés aux oeuvres sociales et aux cuisines scolaires. On plante aussi des poireaux, en rangs serrés, puisqu’on a atteint hier le chiffre de 120’000. Voilà de bonnes soupes aux légumes en perspective! » Aujourd’hui, le parc la Grange se mange encore. C’est ce que raconte un collaborateur du Service des espaces verts (SEVE) dans le livre Genève dans ses parcs – Les nouveaux usages des espaces verts, paru en 2013: « Des gens viennent dans ces sous-bois pour l’ail des ours. Quand on les voit, on est quand même obligés de leur dire: Hé, ho, s’il vous plaît, ce n’est pas pour emporter… Sans compter le problème du colchique, qui lui ressemble beaucoup. Un petit bout dans un pesto, effet mortel garanti. » (*) « Bonus texte » pour en lire davantage – un article du Journal de Genève du 12.08.1943 (signé Jean Uhler), présentant « Ce que la Ville a réalisé dans le domaine du plan Wahlen »: « (…) grâce aux efforts de M. Bois, chef du Service des parcs et promenades, les cultures qui sont faites n’entraînent aucune mutilation des splendides propriétés, les arbres vénérables, les essences recherchées ne disparaissent pas. Le guerre finie, lorsque la vie économique aura repris son cours normal, de beaux gazons et des corbeilles de fleurs remplaceront les champs de pommes de terre, de carottes, de navets, de maïs, etc. C’était avec plaisir que, mercredi après-midi, nous avons répondu à l’aimable invitation de M. le conseiller administratif F. Cottier, qui nous conviait à visiter les cultures maraîchères de la ville. (…) Si Genève, dès 1939, a été la première des villes suisses à entreprendre des cultures maraîchères, elle est aujourd’hui celle dont les surfaces agricoles sont les plus étendues. Les cars qui devaient nous conduire d’un parc à l’autre, partis de la place de Cornavin, firent une première halte à la campagne Beaulieu. C’est là que sont concentrés tous les services qui dépendent de l’Office communal des cultures, rattachés au Service des parcs et promenades. Nous pûmes visiter l’installation de séchage des fruits et légumes (…) Dans le domaine social, la Ville pourra distribuer de très grandes quantités de fruits et légumes à des prix réduits (environ 50% du tarif officiel) aux personnes et familles dans la gêne, ainsi qu’aux cuisines scolaires, crèches, colonies de vacances, etc. Nous quittons Beaulieu et ses cèdres plantés en 1726 pour gagner la campagne Trembley. Les cultures sont splendides et déjà un grand champ récolté est retourné par une charrue actionnée par un gazogène. Nous voici à Châtelaine, sur un terrain qui, de la route cantonale, s’étend jusqu’à l’Usine à gaz. Ici le travail est un peu spécial. C’est là qu’au moyen de couches sont préparés les plantons, et c’est là aussi que l’on procède à des essais. Il y a quelques arbres fruitiers dont les produits sont de toute première qualité. II y a aussi des “meurons” et dame, par la chaleur d’hier, dignes descendants de nos pères de 1602, nous en avons quelque peu “picoré”. Puis, par le pont Butin, nous arrivons au coteau de St-Georges en longeant le cimetière. Nous avons pu constater que, partout où cela était possible, on a utilisé les places vides pour la culture maraîchère. Et nous voici au terrain du Bout-du-Monde, où l’ancien terrain des sports a fait place à des cultures variées et abondantes. Nouvel arrêt au parc Bertrand, où nous sommes attendus par MM. Casaï et Anken, conseillers d’Etat. Le grand champ qui, l’an dernier, avait produit des centaines de kilos de pommes de terre, avait été semé cette année de pavots afin d’augmenter notre production indigène d’huile. La récolte a été faite et l’on s’apprête déjà à semer du colza. (…). Pour terminer cette balade à travers nos promenades, nous voici à La Grange. Entre la route de Frontenex et la voie du chemin de fer. dans ce que l’on appelle le pré Favre, la Ville a fait cultiver des milliers de poireaux. Dans le parc, ce qui frappe nos yeux, et ne dépare nullement la propriété, c’est un immense champ de maïs. Une collation a suivi dans les coquets salons de La Grange, où des boissons fraîches furent fort appréciées. »

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Un blondinet qui se démène

En juillet 1967, Claude François joue au Théâtre de Verdure du parc La Grange. « Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il n’y a rien dans cette débauche d’énergie », écrit le Journal de Genève… « Pour le soussigné, Claude François revêtait l’attrait de l’inédit; certes on m’en avait beaucoup parlé. Jugé de visu le personnage n’est pas aussi catastrophique que l’affirmaient ses détracteurs prévenants; ni aussi enthousiasmant que le vantaient ses admirateurs trop indulgents. Un blondinet qui se démène comme un coureur de demi-fond, qui cherche à crier pour surpasser la coalition de ses cuivres et de sa percussion, et qui, pour les danses endiablées tient aisément le rythme que lui imposent ses quatre «Claudettes». Il y a de l’espace dans le parc La Grange; ces exercices athlétiques sur la corde vocale tendue à l’extrême ne dérangent pas les voisins; ils ravissent les proches. Personne n’a lieu de se plaindre. » Source: A. R., « Claude François et ses yé-yé », Journal de Genève, 13.07.1967 => Cliquez ici pour lire l’article en ligne sur le site www.letempsarchives.ch

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Faux meurtre au pied d’un conifère

Passablement prolifique et complètement oublié, l’auteur genevois de polars François Fosca empilait, en 1943, cinq cadavres entre Carouge et le village imaginaire de Dorbigny… Un après-midi de juin au milieu des années 1930, alors que “le soleil brillait et brûlait, mais de lourds nuages violacés faisaient prévoir un orage imminent”, un coup de feu retentit dans un bosquet du parc La Grange. Les dénommés Ernest Desboilluz et Alfred Susillard, deux retraités qui bavardent assis “sur leur banc favori, à l’ombre d’arbres épais, non loin de l’orangerie et des serres du parc” sursautent en entendant l’explosion, suivie de l’apparition d’une femme qui s’enfuit “vers le fond du parc”. Les deux hommes se lèvent et s’empressent de rejoindre le lieu de la détonation. “Lorsqu’ils arrivèrent tout près du bosquet, un épais massif de buis et de houx d’où se dressaient des conifères, ils entrevirent, à travers les feuillages, le corps d’un homme étendu sur le sol. Après un premier moment de stupeur, ils se frayèrent un chemin et se penchèrent. C’était un jeune homme d’une trentaine d’années, blond, vêtu d’un veston roux et d’un pantalon de flanelle grise. D’une affreuse blessure, qui lui défigurait !e visage, le sang coulait”. On tombe ainsi sur le deuxième cadavre d’une histoire qui en compte cinq, répartis entre Carouge, le parc La Grange et le village genevois de Dorbigny, localité imaginaire où se déroule le roman Du côté de chez Fyt, publié en 48 épisodes par le Journal de Genève en 1943. L’intrigue, qui se noue dans la verdure genevoise mais qui a des racines à Seattle, Shanghai, Londres et Amsterdam, inclut des meurtres et des suicides, une main coupée et des tabatières remplies de cocaïne, une idylle amoureuse et un tableau de Rembrandt où il manque une tête que quelqu’un a découpée. L’inspecteur Faget et le peintre Belpèras mènent l’enquête… L’auteur s’appelle Georges de Traz, mais il signe ses romans du pseudonyme “François Fosca” (ou “Peter Coram” lorsque son éditeur estime qu’il vaut mieux passer pour un Anglais). Né en 1881 et mort quasi centenaire en 1980, il publie plusieurs dizaines d’ouvrages d’histoire de l’art, une Histoire et technique du roman policier en 1937, ainsi qu’“une oeuvre romanesque qui est malheureusement complètement oubliée, puisque ses romans n’ont jamais été réédités et qu’ils ne sont jamais cités”, signale François Ouellet, professeur de littérature à l’Université du Québec à Chicoutimi et spécialiste des écrivain-e-s méconnu-e-s. À côté de sa parution en roman-feuilleton, Du côté de chez Fyt n’est publié en effet qu’une seule fois, en 1943 aux Éditions Utiles, maison genevoise spécialisée dans le policier. => On peut lire les 48 épisodes du roman sur le site www.letempsarchives.ch, qui met en ligne l’intégralité des archives du Journal de Genève, de la Gazette de Lausanne et du Nouveau Quotidien. Tapez « du côté de chez fyt » dans la case de recherche et choisissez l’option « Date (asc) » dans le menu déroulant « Trier par » en haut à droite. Ou alors cliquez ici=> Vous pouvez également emprunter le roman à la Bibliothèque de Genève (BGE).

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Exposition « sHeroes » – Les imaginaires de genre dans les jeux vidéo

Princesses, guerriers, aventurières… Les personnages qui peuplent les jeux vidéo nous font incarner de multiples rôles pour explorer leur univers. Comment le genre façonne-t-il ces imaginaires? Quelles places y occupent les femmes et les hommes? Avec sHeroes – une exposition jouable – prenez les manettes pour explorer ce qui se joue entre genre et jeux vidéo! Jusqu’au 20 juillet 2019 à la Bibliothèque de la Cité – espace le Multi (rez-de-chaussée) POURQUOI SHEROES? Princesses, guerriers, aventurières… Les personnages qui peuplent les jeux vidéo nous font incarner de multiples rôles pour explorer leur univers. Comment le genre façonne-t-il ces imaginaires ? Quels rôles y occupent les femmes et les hommes ? Le genre est un rapport social : il organise nos relations et la manière dont nous faisons société. Tout au long de notre vie, nous apprenons à différencier les attitudes jugées «féminines» ou «masculines» et à nous comporter «comme un homme» ou «comme une femme». Le genre dresse des barrières entre les hommes et les femmes et nous donne une place selon notre sexe. Les rôles dits «masculins» sont souvent valorisés, au détriment des rôles dits «féminins» : le genre est source d’inégalités, d’exclusions et de discriminations. Le genre traverse tous les aspects de notre vie : famille, éducation, culture, travail… Le jeu vidéo n’est pas en reste : c’est une pratique culturelle populaire, avec laquelle nous construisons notre identité et notre expérience du monde. S’intéresser au genre dans les jeux vidéo, c’est observer les personnages, leur corps, leurs vêtements ou leur mise en scène : armure ou bikini ? Les vêtements et les attitudes servent-ils les actions ou le plaisir des yeux ? C’est aussi examiner les règles du jeu et les actions qu’elles valorisent ou rendent inaccessibles : l’attaque est-elle le seul horizon possible ? Nos possibilités d’actions sont-elles contraintes selon le genre de notre personnage ? Enfin, c’est aussi prendre en compte les joueuses et joueurs, les conceptrices et concepteurs des jeux que nous utilisons ou encore celles et ceux qui oeuvrent pour des jeux vidéo plus inclusifs. S’il véhicule des imaginaires genrés, le jeu vidéo constitue en effet un formidable moyen d’expression pour valoriser d’autres identités, changer les règles, et créer d’autres mondes possibles. Avec sHeroes, prenez les manettes pour explorer ce qui se joue entre genre et jeux vidéo ! Exposition conçue et réalisée par les Bibliothèques Municipales de la Ville de Genève Commissariat scientifique : Marion CovilleScénographie : Dimitri Delcourt et Sophie CzichTechnique : David HodgettsImpression : Atelier RichardConstruction : ArtsolutionsTraduction de « Behind Every Great One » : GenevaTrad PROGRAMME DE MÉDIATION Mission sHeroesTable ronde Intervenant·e·x·s :Fanny Lignon, Maîtresse de conférences à l’Université de Lyon 1 et spécialiste des questions de genre dans les médiasMarion Coville, chercheuse à TéléCom ParisTech et présidente de l’Observatoire des Mondes Numériques en Sciences HumainesMarion Bareil, directrice artistique et designer d’interactionJoris Colaco, auteur d’un Mémoire intitulé «Exposition régulière à des personnages de jeux vidéo stéréotypés: nocivité et régulation étatique. Une proposition libérale d’intervention» Modération :Célia Héron, cheffe de la rubrique «Société» pour Le Temps et co-productrice du podcast Brise-glace Vidéo en ligne sous ce lien. Visites guidées et initiation aux jeux. Un tour de jeu dans l’exposition sHeroes Bibliothèque de la Cité – Le MultiÂge : Tout public, dès 8 ansDurée : 2hLes samedis 11 mai, 8 juin et 15 juin à 15hLes visites vous permettront de comprendre les enjeux de l’exposition et de tester les jeux vidéo grâce à la médiatrice culturelle Ana-Luisa Castillo, spécialisée dans le jeu vidéo. Stéréotypes et stéréodames. (Dé)construire un jeu vidéo Du 23 au 25 avril, de 14h à 17hBibliothèque de la Cité – Espace le 4eÂge : de 10 à 14 ansDurée : 3h par après-midiPendant trois après-midi, les Bibliothèques municipales proposent au public de 10 à 14 ans de réaliser un jeu vidéo sur le thème des stéréotypes, sans passer par le codage et en se basant uniquement sur le dessin et l’imaginaire de chacun-e.Quel rapport entre jeux vidéo et stéréotypes de genre ? La première réponse qui vient à l’esprit est que le jeu vidéo les véhicule.Comment sortir du modèle du héros qui sauve une princesse ou de l’homme viril qui résout ses problèmes par la violence ? Cet atelier propose de déconstruire des croyances pour montrer que d’autres modèles sont possibles. À travers le jeu vidéo, les enfants sont invités à réfléchir à leurs propres représentations pour créer une nouvelle histoire à jouer ! Avec Giulia Valsecchi, intervenante au 2e Observatoire sur les questions de genre et de l’éducation et Ivan Gulizia, game designer. Stéréo-mythes Le 5 juin, de 15h30 à 17hBibliothèque de la Cité – Espace le 4eÂge : de 8 à 11 ansDurée : 2hStéréo-mythes est un atelier qui aborde la diversité des genres, la coexistence et la tolérance à travers le dessin et le jeu. Qu’est-ce que le genre ? Concept de sciences sociales, il désigne les différences non biologiques entre hommes et femmes. Ces différences toutes construites sont remises en question, car de nombreuses personnes ne s’y reconnaissent pas.Stéréo-mythes est une collection de sculptures interactives conçues pour parler du genre.Les enfants travailleront avec des personnages fictifs de la littérature et des jeux vidéo, qui leur permettront de comprendre que les différences peuvent nous rendre uniques et spéciaux-ales.Les sculptures réalisées par les enfants pendant l’atelier, seront visibles jusqu’au 9 juin et pourraient être remaniées par les visiteur-euse-s de passage…Avec Rocio Egio, designer et conceptrice de Stéréo-mythes En partenariat avec le Festival Spielact L’EXPO EN PHOTOS Photographies de Frank Mentha SHEROES DANS LES MÉDIAS: => Le Temps, 08.03.2019 («Après le Gamergate et #MeToo, quelle place pour les femmes dans les jeux vidéo?») => RTS, «Forum», 02.03.2019 (Interview de Marion Coville, commissaire scientifique de l’exposition): POUR ALLER PLUS LOIN:

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Numérique, c’est quoi ton #genre ? (Introduction)

Des pistes de lecture, d’écoute, de visionnement et de jeu dans les catalogues des Bibliothèques municipales et de la Bibliothèque Filigrane, ou sur Internet Les pistes de lecture/écoute/jeu/visionnement autour du thème « Numérique, quel est ton #genre? » sont en ligne ici:=> Pionnières du numériques=> Le numérique a-t-il un genre?=> Elles font le numérique=> Internet, un mégaphone des luttes féministes=> #balancetontroll=> IntelliGenre artificiElle Plus de 80 objets physiques (livres, disques, DVD, jeux vidéo) pour autant de liens vers des sources sur Internet : parmi les bibliographies publiées par les Bibliothèques municipales, celle-ci se singularise par son penchant pour les ressources électroniques. C’est le reflet de son thème : la Semaine de l’égalité en Ville de Genève, organisée avec le service Agenda 21-Ville durable, explore cette année les manières dont les rôles de genre se font et se défont dans les univers numériques. C’est également l’effet d’un paradoxe : les TIC (ces « Technologies de l’Information et de la Communication » qu’on continue à appeler « nouvelles ») apparaissent à la fois comme un territoire où l’absence des femmes est très alarmante et comme un domaine où leur présence s’exprime d’une façon particulièrement frappante. En fait, les femmes aussi créent le numérique depuis les balbutiements de celui-ci, et elles continuent aujourd’hui. La première personne qui élabora un programme pour transformer une machine à calculer en appareil à traiter l’information (c’est-à-dire en ordinateur) est la mathématicienne Ada Lovelace, en 1843. Nos téléphones portables et réseaux Wi-Fi utilisent un système de codage développé par l’inventrice et actrice Hedy Lamarr en 1941. Une étude publiée en 2017 dans la revue scientifique PeerJ montre que les femmes sont jugées meilleures que les hommes en matière de codage informatique, à condition que les juges ne sachent pas que le code a été écrit par des femmes… Les trois premiers chapitres de cette bibliographie suivent ce fil, tentant de rendre visibles les femmes du numérique, mais aussi les processus (biais éducatifs, stéréotypes de genre, cultures d’entreprise…) qui les occultent et les écartent. Les trois chapitres suivants s’intéressent à la manière dont les technologies électroniques sont utilisées comme des instruments de dénonciation, d’émancipation et de construction d’identités nouvelles, soustraites aux contraintes des rôles de genre. #MeToo, vaste dévoilement des violences sexistes et sexuelles dans tous les domaines de la vie, a trouvé son premier terrain d’expression sur Internet – et il s’agit sans doute du premier mouvement social dont l’appellation, en forme de hashtag, est elle-même un objet numérique. En faisant un pas en arrière (vers l’époque où le numérique était chargé d’espoirs utopiques) et un bond en avant (vers le futur de la science-fiction), le tout dernier chapitre plonge dans le cyberféminisme et dans l’imaginaire cyborg… Des pionnières électroniques aux femmes-déesses-machines des sagas stellaires, en passant par les militantes qui utilisent le Web comme mégaphone, il y a ici de quoi réimaginer le genre, le numérique et, à travers eux, le monde. Les bibliothécaires et les médiateurs et médiatrices culturel-le-s numériques Le programme de la Semaine de l’égalité 2019 (du 1er au 9 mars), organisée par le Service Agenda 21 et les Bibliothèques municipales, est toujours en ligne ici.

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Parc la Grange – Un lieu de rencontres secrètes

Une plongée dans l’imaginaire romanesque du parc La Grange… Aussi longtemps qu’on s’en souvienne,ce parc a été un parc.Un lieu de culte et de culture,dans tous les sens du terme,un lieu où on fait pousser des choses. Les Allobroges, qui étaient les Celtes du coin, faisaient pousser des mégalithes, c’est-à-dire des menhirs.Les Romains du coin, qui étaient en fait des Allobroges devenus romains, faisaient pousser des restes romains,qui avant d’être des restesétaient une villa romaineun peu clinquante,un peu tapageuse,un signe extérieur de richesse.Jésusen 1444fait pousser des poissonsdans le célèbre tableau «La pêche miraculeuse», du peintre Konrad Witz,qui transpose le miracle biblique quelque part au large du parc La Grange.(On peut voir ce tableau au Musée d’art et d’histoire:c’est la plus ancienne image de ce lieuet c’est la plus ancienne représentation réaliste d’un paysagedans l’histoire de la peinture européenne.) On continue. Un certain nombre de membres de la famille Lullinfont pousser un jardin et une villa.Un certain Favre fait pousser une bibliothèque,qu’il remplit de 15’000 livres, à côté de la villa.Un autre Favre fait pousser un alpineum,c’est-à-dire un paysage alpin en toc,mais très bien imité,prenant pour modèle un marécage situé à Faverges, sur le Salève. La Ville de Genève prend possession des lieux en 1918,légués par un petit dernier Favre.Elle fait pousser au cours du siècle qui s’ensuitdes roses,des tortues,des saules pleureurs,des canards,un théâtre,des concerts,une bibliothèque ambulante. Ce parc est un parc, donc.Mais encore?Quel est ce lieu,quelle est la nature de cet endroit?Pour répondre,comme nous sommes ici sur le site Internet d’un réseau de bibliothèques,nous avons parcouru des textes.Le premier dit à peu près ça(on dit «à peu près»parce qu’on l’a fait traduire de l’allemand par Google Translate,en le retouchant juste un petit peu): «Il franchit une haute porte en fer forgé pour entrer dans le parc, encore désert à cette heure matinale. En un gigantesque octogone, découpé en secteurs comme les tranches d’une tarte, poussaient des milliers de roses. Au-delà, Philip aperçut la bâtisse blanche. Appuyé contre la rambarde se tenait Donald Ratoff, gros et court sur pattes, à côté d’un homme grand et mince. Ratoff agita la main. Philip fit un signe en retour. Qui était le deuxième homme? Ratoff ne l’avait pas mentionné. À travers le lit de roses, Philip s’approcha de la maison. «Salut», dit Ratoff, alors que Philip s’avançait vers les deux hommes. Il tendit une main molle et moite, qui se logea dans celle de Philip sans exercer la moindre pression. «Heureux que tu sois venu si vite.» Il présenta le deuxième homme, qui était vêtu d’un costume beige d’été. «M. Günter Parker, commissaire principal, chef de la Commission spéciale 12 juillet.» «Ravi de faire votre connaissance», déclara Parker. Sa poignée de main était ferme. Il avait un visage mince et bronzé, des cheveux blonds coupés court, des sourcils blonds et touffus et des yeux brillants. Commissaire principal – pensa Philip – et pourtant si jeune. Il paraissait étrangement sérieux et triste. Philip se sentit soudain très vieux. Le gros Ratoff, qui affichait une bouche tordue et un crâne sur lequel on ne trouvait pas un cheveu, dit: «Vous savez ce qui s’est passé à Berlin.» «À Berlin?» «Hier après-midi à Spandau. Aux United Remedies. C’est alors que…» «Oh, bien sûr!» Soudain, Philip se souvint de ce qu’il avait vu et entendu sur la chaîne ZDF, juste avant que Simone ne vienne à son appartement. «Un nuage de chlore gazeux s’est échappé d’une chaudière industrielle. Beaucoup de morts. Des centaines d’empoisonnés. Des émissions spéciales à la télé… C’est pour ça que vous…» «Oui, Monsieur Sorel», répondit Parker, qui tenait dans ses main une valise diplomatique. «C’est pour cette raison que nous sommes ici. Quatorze autres personnes sont mortes depuis que vous avez vu le rapport.» «Horrible», déclara Ratoff en baissant le regard vers ses chaussures sur mesure Ferragamo. Les chaussures étaient d’un gris argenté, comme son costume, qu’il avait assorti d’une chemise bleue et d’une cravate à rayures argent et bleues. «Absolument horrible. Souvenez-vous, c’est nous qui avons construit le centre de données.» «Pourquoi?» demanda Philip. «L’accident est-il dû à une erreur du centre de données?» «Nous ne le savons pas», répondit Parker. «L’enquête n’est en cours que depuis hier. Une chose est certaine. Ce n’était pas un accident, c’était une attaque terroriste.» «Terrible, Philip, tout à fait horrible», intervint Ratoff. «Le commissaire principal a ordonné un blackout de l’information. C’est pour cette raison que je t’ai appelé depuis le parc. Ici, nous pouvons parler sans que personne ne nous entende.» «Comment êtes-vous arrivé à Genève si tôt, M. Parker? Je veux dire, avec quel avion?» «Un vol spécial», dit vivement Ratoff. «Nous avons atterri il y a une heure.» «Marchons un peu», dit Parker. Dans l’octogone de roses, l’odeur devenait presque assourdissante. Il n’y avait toujours personne en vue et les oiseaux chantaient encore dans les cimes des arbres. Philip regarda, au-delà du parc, le lac luisant sous le soleil. En 1999, l’auteur autrichien de best-sellers Johannes Mario Simmel(35 romans, 73 millions d’exemplaires, 33 langues),fait donc pousser avec son roman Liebe ist die letzte Brücke («L’amour est le dernier pont»)une intrigue internationaledans le parc La Grange:un lieu où,si l’on en croit l’écrivain,on parvient à se cacher des yeux du monde.Un lieu de rencontres secrètes et de séparation,comme les cavernesminérales ou végétalesdes rituels d’initiation des sociétés tribales –un lieu où l’on passe un certain temps à l’écart,avant de retourner prendre sa place en société,mais transformé-e. C’est ce qui se passedans le deuxième texteque nous avons parcourupour tenter de comprendre la nature de ce lieu –un roman dont la narratrice,Johanne,parcourt trois fois un parc genevois doté de colonnes,en ne sachant pas,puis en espérant,puis en sachantqui elle rencontrera. «La vitrine vibre dans mon dos. La porte a claqué. La journée est finie. Je peux partir plus tôt. La patronne fermera. Je passe par le parc. M’aérer. M’asseoir sur un banc. Observer les reflets du ciel. La douceur de l’air me caresse. Avec gentillesse. Je rejoins les dalles sous les arcades. Entendre le son de mes pas. J’avance. […]

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Parc de l’Ariana – Indiana Jones et les nazis du Léman

Une plongée dans l’imaginaire romanesque du parc du parc de l’Ariana… Le texte que je tiens entre les mainsest une tentative de comprendre où je suis. Qu’est-ce que c’est que ce lieu improbable,incrusté dans le quartier des organisations internationales,dominant une pente verte qui roule jusqu’au lac?Quelle est sa place dans le vécu et dans l’imaginaire de cette ville?Dans quel but y a-t-on planté ce palais hyperbolique?Quel genre de personne vient y traîner? Vous m’excuserez de convoquer une référence un peu convenue,mais il faut le dire:bien que le nom de ce parc renvoie à une dénommée Ariana,il s’avère ardu de détecter le fil de cette Ariana-là.Pourtant, cette Ariana s’appelait bien Ariane,Ariane de la Rive.D’ailleurs ce parc allait justement jusqu’à la rive,où il y avait un port qu’on appelait «port de l’Ariana»avec un restaurant sur pilotis.S’appuyant sur la documentation iconographique de l’époque,c’est-à-dire sur des vieilles cartes postales,le journaliste Jean-Claude Ferrier de la Tribune de Genèveécrira,bien plus tard,que cet établissement ressemblait –on le cite –à une pagode chinoiseou à un gâteau de mariage bavarois.Le journaliste note aussi quele restaurant du port de l’Arianaest démolien 1911parce que son architecture déplaisait semble-t-il très fortementau public genevois. Il s’avère ardu, disais-je,de trouver le fil d’Arianequi, de la rive,conduit au lieu où nous nous trouvons aujourd’hui.Mais comme nous sommes icidans une appendice,une excroissancemouvante et connectéed’un réseau de bibliothèques,nous avons malgré tout cherché ce filen feuilletant des livres.Et comme nous sommes ici en un lieu,où l’on explore des chosesréelles et imaginairespar des voies numériques,nous avons aussi cherché ce filsur le réseau. Commençonspar ce par quoi il est facile de commencer. Avant d’être un parc,ce parc est une campagneappelée Varembé,partagée en plusieurs domaines,dont l’un appartientà un certain Revilliod.Revilliod se marieavec Ariane.Ariane et Philippe-Léonard– c’est le prénom du type –ont un enfant,Gustave,qui voyage,collectionne,hérite,agrandit le domaine,construit ce palais,meurt célibataire et sans enfants,léguant ses biens à la Villeen 1890. Arrêtons-nous un instantsur cet ensemble de circonstances.Vous êtes Gustave,vous possédez un hôtel particulierau 12, rue de l’Hôtel-de-Ville,que vous remplissez d’objets ramenés de partout,que des gens viennent admirer de partout,jusqu’au moment où vous vous trouvez à l’étroit:il faut plus de placepour cette collection,pour cette admiration. Vous décidez donc de construireun lieu monumental et majestueuxpour abriter et montrerles 30’000 pièces amassées çà et là. Pour mettre en route ce projetvous embarquezdans une escapadeun jeune homme,qui a fait des études d’architecture.Vous l’embarquezpour qu’il s’imprègnedu style des palazzi somptueuxqu’on bâtissait en 1500, en 1600 ou en 1700en Italie.Vous reveneztous les deuxavec plein d’idées,vous les mélangez touteset vous construisezvotre musée privée. C’est ça, la vie à la Gustave. Et vous baptisez votre palaisen hommage à votre mèrequi entre-temps est défunte,vous laissant un héritage qui,justement,vous a permis de dépenser comme ça sans compter.Vous donnez donc au palaisle nomme d’Ariane,un petit peu modifié:Ariana. Or donc,au sujet d’Ariane,il est malheureux de constater que l’intégralité du Webne dit presque riensi ce n’est que le peintre Firmin Massot lui fit à dix-huit ans un portraitet qu’elle fut ensuite l’épouse de Philippe-Léonard,puis la mère de Gustave,et que Gustave écrivit dans son testament«Ma mère m’a inspiré dès mes plus jeunes ans, et a nourri plus tard en moi les goûts qui ont fait le bonheur de ma vie» –et c’est à peu près tout.On peut ainsi dire que l’Ariana célèbre Arianeen la faisant disparaître. On part donc tirer les fils qu’on peutdans le catalogue des bibliothèqueset dans d’autres bases de données,et on trouve non pas un fil,mais un petit écheveau passablement écheveléayant pour fil rouge un je-se-sais-quoi d’impénétrable et sibyllin. Si on tire un premier filde cette pelote d’Arianeen tapant «parc» et «Ariana» dans Google Bookson tombe surMonsieur Thorpe,étrange nouvelle d’Emmanuel Bove,étrange auteur français,de mère luxembourgeoise et de père russe,qui fit un bout de scolarité à Genèveau début des années 1910sous l’identité d’Emmanuel Bobovnikoff,qui était en fait son vrai nom.Dans la nouvelle,publiée en 1930,on ne sait pas trop ce qui se passe,si ce n’est peut-être le mystèresouvent perturbantque les adultes représentent pour les enfants. «Avant que mes parents eussent quitté Genève, nous habitions dans une maison neuve de la rue de l’École de Médecine, au sixième étage. (…) Ce fut dans cet appartement que je vis pour la première fois M. Thorpe. Mon père l’avait amené à déjeuner, mais ainsi qu’il faisait toujours, sans prévenir ma mère. Je n’avais absolument prêté aucune attention à ce convive, et sans les relations qui suivirent, je crois qu’il eût disparu à tout jamais de ma mémoire. Car, à table, j’étais toujours absent. Je n’avais qu’une pensée, finir rapidement le repas afin de m’éclipser. C’était un supplice pour moi d’attendre que mes parents eussent achevé. Aussi, quand nous avions un hôte et que le repas se prolongeait, je sentais sourdre en moi une grande colère à l’endroit de l’invité qui, sans s’en douter, m’obligeait à rester à table. Finalement, lorsque je pouvais me lever, j’éprouvais un tel soulagement que j’oubliais presque aussitôt celui qui était cause de la lenteur du repas. J’avais donc complètement oublié M. Thorpe lorsqu’au printemps de l’année 1910 ou 11, je l’aperçus au parc de l’Ariana. Il était assis face au lac et regardait au loin le Mont-Blanc, semblable, vu de cet endroit, au chapeau de Napoléon, ainsi que le disent les petites brochures de propagande. Je ne l’avais pas reconnu mais son visage, l’ensemble de sa personne, m’étaient familiers. J’allais continuer mon chemin, lorsque, tout à coup, il se leva, me sourit et vint à moi. Je m’arrêtai et attendis qu’il m’apprît qui il était, mais il ne paraissait pas s’apercevoir que je ne me rappelais pas son visage. Tout de suite il me demanda comment allaient mes parents. Quand je lui appris qu’ils étaient partis pour le midi de la France, il eut une mine si surprise et si inquiète que je craignis tout à coup d’avoir dévoilé l’adresse de mon père. Au même moment, je me souvins du déjeuner qu’il fit chez nous et je le revis parlant à mes parents. Était-il leur ami ? Je l’ignorais. C’est une faiblesse des enfants de ne pouvoir évaluer le degré d’amitié qu’ont leurs parents […]

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Parc des Cropettes – «Un immense flash avec une lumière tout près de nous mais dans le ciel»

Récit d’une jeune anonyme interviewée par Jeffrey le 11 juillet 2018 au parc Bertrand, dans le cadre d’une mission d’été du Service de la jeunesse. «C’était il y a à peu près six-sept ans, j’étais encore assez jeune et je n’étais pas complètement nette, je l’avoue. Et on était avec une amie posées sur un banc dans le parc des Cropettes à côté de la mare aux canards. Donc on était tranquillement posées, on parlait, on discutait de la vie, et d’un coup je lève ma tête et là, il y a un flash, vraiment très près, un immense flash, avec une lumière qui passe tout près de nous mais dans le ciel, et une sorte d’éclair comme s’il y avait un trait qui passait dans le ciel. D’abord ma première réflexion, c’est de taper sur l’épaule de mon amie pour lui montrer et… Je n’ai jamais vraiment cru aux extraterrestres et tout, mais là j’étais convaincue d’avoir vu un OVNI, mais genre vraiment. Et malheureusement mon amie n’a pas pu voir ce que j’ai vu, mais même maintenant, je suis convaincue d’avoir vu un OVNI, voilà. Sinon, mes souvenirs dans les parcs, ce sont tous mes anniversaires. Je pense qu’en étant genevois, on vient tous passer nos anniversaires, nos soirées d’été, les soirées de galère en hiver dans des parcs, on s’amuse toujours dans des parcs genevois, voilà. Je pense que j’ai passé la majeure partie de mon enfance et de mon adolescence dans des parcs, et même au jour d’aujourd’hui, c’est toujours une valeur sûre pour traîner et passer un bon before*.» * La partie de la soirée qui précède la phase proprement festive (ndlr) Avez-vous une histoire marquante, étrange, amusante, un beau souvenir ou un épisode curieux à nous raconter, en lien avec un parc genevois? Avez-vous vu ou vécu quelque chose de particulièrement significatif dans l’un de ces lieux? Quels sont votre meilleur et votre plus étrange souvenir d’une chose vue ou vécue dans un parc? => Pour partager vos histoires, écrivez-nous à l’adresse leparcaugmente@numeriquebm.ch ou envoyez-nous un fichier son, image ou vidéo via la page www.numeriquebm.ch/index.php/le-parc-augmente

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