Une plongée dans l’imaginaire romanesque du parc de la Perle du Lac… Si je me pose devant le clavier de mon ordinateur,si j’ouvre un navigateur,si je tape l’adresse de Google Books,(car je me suis donné pour mission de révéler l’imaginaire romanesque des parcsà travers des explorations numériques),si j’écris ensuite «Perle du Lac» dans la case de recherche,si j’appuie enfin sur la touche «Retour» pour voir les résultats,si je fais donc tout ça,eh bien,je suis perdu-e. Car me voici à Bellagio,la perle du lac de Côme, en Italie,pullulante de célébrités.Me voici au château de Chillon,la perle du lac Léman(même si à vrai dire,l’expression «perle du lac Léman»a également été utiliséepour désigner les localités deEvian, Lausanne, Montreux, Vevey, Yvoire,en ordre alphabétique).Me voici à Gisenyi,la perle du lac Kivu,station balnéaire au Rwanda,dotée d’une plage de sable fin.Me voici à Sirmione,la perle du lac de Garde,village posé au bout d’une presqu’îleen Italie.Me voici à Brunnen,la perle du lac des Quatre-Cantons,dans le canton de Schwyz.Me voici à Ascona,la perle du lac Majeur,dans le canton du Tessin.Me voici à Stresa,la perle du lac Majeur aussi,mais en Italie. Me voici au parc La Perle du Lac,ainsi appelé,paraît-il,parce qu’une femme s’y extasiaen découvrant ces lieuxen mille neuf cent et quelques,et en s’exclamant:«Ceci est la perle du lac!»(ou «Ceci est vraiment la perle du lac!»,ou «This is really the pearl of the lake!»selon d’autres versions). Il faut ouvrir à ce proposune parenthèse.Si l’on confie à Googlel’exclamation de cette dame,on tombe sur une petite quarantaine de résultatsqui identifienttouscette femmecomme «épouse de…»Toussauf un,un site de gens qui courent,appelé marathonien67.skyrock.com,seul parmi les 40à s’intéresser au nom de la femme,ou du moins à son prénom:Florence.En cherchantun peu plus loin,on trouve son nom complet:Florence Frances May Crotty,secrétaire britannique,épouse,en 1911,à 29 ans,de Hans Wilsdorf,mystérieux horloger suisse,fondateur de l’entreprise Rolex.Merci à elle,donc,pour ce nom. Bref. Toutes ces perlesde tous ces lacs. Y a-t-il un point commun?Y a-t-il un complot,une intrigue,une conspiration? En fait,Il y en a plein.Pas tellement à Bellagio, Chillon, Gisenyi, Sirmione, Brunnen, Ascona, Stresa,mais à Genève,au parc de la Perle du Lac,anciennement propriété du dénommé François Bartholoni,entrepreneur français dans les chemins de fer,inventeur,si l’on peut dire,de la gare Cornavin. Ce qu’on trouve doncen tapant «Perle du Lac» dans Google Bookspour voir quelles traces ce parc a laisséesdans des romans,ce sont des complots. Exemple n. 1.En 2009,l’auteur britannique James Twining publieThe Geneva Deception,traduit en français sous le titre L’Affaire Caravage,roman dont les ingrédients sont– une série de meurtres horripilants inspirés des tableaux du peintre italien Le Caravage,– un voleur d’art reconverti en traqueur d’art volé pour le FBI,– un pacte ancien, scellé dans le sang,– des sociétés secrètes,– le Vatican,– la Mafia,– et Genève,ses Ports-Francs,entrepôts hors douaned’où surgissent parfois10’000 pièces archéologiquesprovenant de fouilles clandestines,et sa Perle du Lacoù Verity Bruce,acheteuse d’art pour un musée de Los Angeles,rencontre un marchandforcément loucheappelé Earl Faulkspour négocier l’acquisition d’un artefact légendaire,un masque grec en ivoire du dieu Apollon. «Restaurant La Perle du lac, Genève20 mars – 12 h 30Faulks s’appuya sur son parapluie pour accueillir Verity, que le maître d’hôtel guidait vers sa table, en terrasse. Elle portait une robe noire, une veste en denim, ainsi qu’un sac Hermès Birkin du même rouge que ses chaussures. La moitié de son visage était masqué par une paire de lunettes de soleil Chanel, et elle arborait un lourd collier de pierres semi-précieuses.— Earl chéri.Elle lui souffla un baiser.— Désolée, je suis en retard. Les contrôleurs aériens espagnols étaient encore en grève. Quelle surprise ! Je viens juste d’arriver.— Je t’en prie, dit-il en s’avançant pour lui présenter galamment sa chaise avant de lui tendre sa serviette avec emphase.Le maître d’hôtel, désappointé d’être ainsi supplanté en public, se retira dans un silence amer.— Que fêtons-nous ? demanda-t-elle avec excitation, au moment où le serveur s’avançait pour leur servir un verre de Pol Roger, cuvée Sir Winston Churchill, que Faulks avait commandée avant son arrivée.— Je prends toujours du champagne au déjeuner, susurra-t-il. Pas toi ?— Oh, Earl, tu es infernal.Elle but une gorgée du breuvage pétillant.— Tu sais que c’est mon préféré. Tout simplement exquis, comme la vue de ce restaurant, ajouta-t-elle en faisant un geste en direction du lac, dont la surface scintillait comme un diamant sous la caresse du soleil.— Tu as dû vendre ton âme pour obtenir une journée aussi parfaite.— Tu n’as pas tout à fait tort, répondit-il en lui adressant un clin d’oeil.Un sourire malicieux sur les lèvres, elle se tourna vers lui, puis puis repoussa ses lunettes sur le haut de son crâne et protégea sesyeux de la lumière d’une main.— Serais-tu en train d’essayer de m’amadouer ?— Je n’oserais pas, minauda-t-il.Le serveur apparut à leur table.— Le pigeon rôti est délicieux, déclara Faulks.Après avoir pris la commande, le serveur s’éclipsa. Il y eut un moment d’accalmie. Verity fit tinter ses ongles longs et finement vernis contre son verre, en écho au bruit des couverts des tables voisines. Puis elle darda sur lui un regard brûlant.— Alors, tu l’as ? demanda-t-elle avec un détachement feint.Voilà. C’était la question qu’il attendait. Faulks était impressionné. Elle avait mis trois minutes de plus qu’il ne le pensait pour l’interroger. Apparemment, elle voulait paraître décontractée.— Je l’ai. Il est arrivé hier. Je l’ai déballé moi-même.— Est-ce qu’il…Sa question mourut sur ses lèvres, comme si elle était incapable de formuler ses sentiments. Aussitôt, sa stratégie soigneusement élaborée de feindre l’indifférence vola en éclats.— Il est tel que tu l’avais rêvé.Elle s’interrompit et prit une profonde inspiration, s’efforçant visiblement de se redonner une contenance.— Si tu authentifies l’œuvre, mon acheteur m’a promis d’avoir l’argent à la fin de la semaine. Le masque pourrait être en Californie dès la fin du mois.— Nous pourrions aller chez moi vers 15 heures.— Dans deux heures et demie, dit-elle en consultant sa montre avec un sourire. Je suppose que ce n’est pas si long, après 2’500 d’attente.» Exemple n. 2En 2002,après dix ans de travail,l’historien américain Gregg Herken publieBrotherhood of the Bomb: The Tangled Lives and Loyalties of Robert Oppenheimer, Ernest Lawrence, and Edward Teller,titre qu’on traduirait en français […]