C’est l’histoire d’une fille qui vénérait les troncs et d’une femme qui avait un cèdre pour ami[caption id="attachment_3579" align="alignnone" width="1078"]
Parc La Grange, juillet 2013 © Ville de Genève/Magali Girardin[/caption] Le livre_ Genève dans ses parcs. Les nouveaux usages des espaces verts, de Nic Ulmi et Magali Girardin, Nyon, Glénat, 2013«Place publique, jardin, forêt… l’espace vert, à Genève, c’est un peu tout cela à la fois. On y croise des pique-niqueurs romantiques et des accros du brasero, des danseurs de swing et des adorateurs des séquoias, des bâtisseuses de labyrinthes et des funambules, des géographes et des adeptes du yoga perché, des dragueurs et des fossoyeurs, des chiens, des renards, des dromadaires et même des poules.»=>Le livre dans le catalogue des BM.L’extrait choisi (1) – La secte des filles des arbres«Souvenir d’un rituel enfantin, entre les parcs La Grange et des Eaux-Vives: «Avec un groupe de copines, on avait fondé une sorte de secte néo-amazonienne. On accomplissait des rites de passage: tisser un tapis avec des feuilles et des branchages, fabriquer de la poterie avec la terre du parc. On construisait des cabanes avec les bambous coupés par les jardiniers. On se faisait des tatouages dont on croyait qu’ils nous rendaient invisibles. J’avais 9 ans», raconte Chloé, fille des Eaux-Vives. Pour elle, le parc était une cour de récré dilatée aux dimensions d’un vaste domaine. «Je fréquentais une école qui pratiquait la pédagogie active et qui n’avait pas de préau. À la pause de midi, pendant toute ma scolarité primaire et par tout temps, on nous amenait au parc.»Un jour, Chloé fait un pas de côté. «J’avais une super copine, on formait un vrai binôme. Elle était peu groupale, pas très bien acceptée au sein de la “secte”. On a commencé un jeu dans un coin reculé, avec les arbres. Je ne sais plus si on en a discuté ou si c’est venu en enchaînant les On dirait que… Le fait est que nous nous sommes mises à vénérer ce groupe d’arbres. Nous leur avons attribué une individualité, donné un nom à chacun. Nous leur faisions des offrandes de fleurs. Ça avait un côté magique, on dialoguait, on jouait davantage avec eux qu’avec les autres enfants. Aujourd’hui encore, si j’entre dans ce parc, je ne me ressens plus en tant qu’adulte : c’est cette réalité d’autrefois qui est toujours là.» Culte des arbres indigène, né par génération spontanée…»L’extrait choisi (2) – Quand un cèdre vous sauve la vie«Souvenir d’une existence antérieure, pour ainsi dire, au parc La Grange: «J’ai l’impression que le parc m’a sauvé la vie», raconte Constance. Comment? «J’allais avec ma fille près du grand cèdre, je regardais la pelouse qui descend vers le lac. C’était un moment où je me sentais particulièrement triste et seule, dans des difficultés de famille. J’enlaçais l’arbre pour sentir de la force. Il est énorme, ancré, il a une présence puissante, il me donnait du calme et du courage. J’aimais penser qu’il y a des oiseaux dans l’air même pendant une guerre, que l’arbre traverse les siècles et voit les choses passer, que toute cette vie continue et que dans mon existence aussi, ça finirait par passer. Aujourd’hui, en entrant ici, je ressens une émotion, comme quand on retrouve des amis qu’on n’avait pas vus depuis longtemps. Comme si c’était une des personnes qui ont compté dans ma vie à Genève. Parfois, je rêve de ce parc.»