Cliquez sur PLAY pour écouter le récit, puis atteignez l’arbre suivant selon le PLAN ou le guide en images en pas de cette page
Pourquoi,
dans le fond,
je vous raconte tout ça?
Pourquoi l’éruption du Tambora,
l’Année sans été,
la prophétie de Bologne,
Frankenstein à Sécheron,
Mary Shelley à Cologny?
Pourquoi ici,
aux Conservatoire et jardin botaniques?
Parce que Pyramus, si j’ose dire.
Je reprends
au pas de charge.
Mai 1815,
Tambora explose,
pire éruption de l’histoire humaine,
aérosols dans la stratosphère,
froid et pluie,
récoltes pourries,
l’une des dernières famines en Occident.
Je cite L’année sans été. Tambora, 1816. Le volcan qui a changé le cours de l’histoire,
de Gillen D'Arcy Wood:
«Aux États-Unis, dans le Vermont, les villageois ont survécu en se nourrissant de porc-épic et d’orties bouillies, pendant que les paysans du Yunnan, en Chine, en étaient réduits à sucer de l’argile blanche. (…) De l’Irlande à l’Indonésie, quand les récoltes mondiales furent défaillantes en 1816, mais aussi l’année suivante, des légions de paysans affamés, transformés en mendiants faisant l’aumône ou vendant leurs enfants en échange de nourriture, quittèrent les campagnes pour les villes.» Fin de citation.
La Suisse est l’un des pays les plus touchés
et à Genève
c’est encore pire qu’ailleurs.
Il fait froid,
le lac envahit le centre-ville et la commune des Eaux-Vives,
l’Arve s’étale sur le quartier de la Jonction,
les vendanges et les récoltes,
lit-on dans les documents,
produiront des raisins gros comme des petits pois,
des pommes de terre de la taille d’une noix.
Que faire?
De la soupe, pour commencer.
Suivant une initiative d’abord privée,
et reprise ensuite par les pouvoirs publics,
qui mettent sur pied un Comité Central de secours extraordinaires,
des «soupes économiques»,
comme on dit,
sont servies à ce qu’on appelle la «classe indigente».
De la soupe,
donc,
dont l’historien Georges Boujol
a retrouvé les ingrédients
(pommes de terre, gruau d’avoine, choux, raves, carottes, haricots, riz, maïs, farine de fève)
et le temps de cuisson
(une bonne journée).
De la soupe,
du pain subventionné
et du travail.
C’est ainsi que le Comité engage un quota d’hommes sans emploi
pour une opération de «défoncement»
– c’est-à-dire de labourage en profondeur –
de ce qu’on appelle alors les «Bastions bourgeois»,
la partie des anciennes fortification où on trouve aujourd’hui
le Mur des Réformateurs, le Palais Eynard et le Restaurant des Bastions,
occupée alors par une allée appelée,
avec une satisfaction non dissimulée,
«Belle promenade».
Objectif du défoncement:
réaliser un Jardin botanique,
laboratoire et vitrine de la science des plantes
où officiera le professeur Auguste Pyramus de Candolle.
Mais avant cela,
dans l’urgence de la situation alimentaire,
le terrain labouré
est planté de pommes de terre,
qui seront récoltées fin septembre 1817.
De qualité jugée médiocre,
les patates ne seront finalement considérées assez bonnes,
selon les documents de l’époque,
que pour nourrir les soldats.
Le Jardin botanique de Pyramus
s’inaugure, lui, le 19 novembre
lors d’une cérémonie discrète
avec un petit groupe d’invité-e-s.
Il sera transféré 87 ans plus tard,
en 1904,
à l’endroit où il est maintenant,
juste là sous vos pieds,
où un restaurant appelé «Le Pyramus»,
s’emploie à faire circuler,
7 jours sur 7,
l’étrange prénom du fondateur des lieux.
Entre-temps,
les patates déclenchent un rebondissement,
que je vais vous raconter,
si vous voulez bien,
quelques arbres plus loin.
RETOUR à la page d’accueil du parcours-récit Tambora, Pyramus, Frankenstein